Petit Tom est aussi logicien que son prédécesseur, le fameux petit Hans, dont les parents avaient pour ami le fameux Professeur Freud. Dit-on assez que ce professeur, ami des parents, avait offert au petit pour ses trois ans un cheval à bascule[1] qu’il avait lui-même apporté au quatrième étage de la maison où habitait Hans avec son père et sa si jolie maman ?
Et puis, la psychanalyse apprendra, grâce à l’intérêt du père et à la lecture des notes de celui-ci par Dieu, alias Fr. Freud, alias Pferd (le cheval), les élucubrations auxquelles se livre Hans pour remplir le trou de ce qui manque à sa mère, qui n’aurait pas de fait-pipi (Wiwimacher), mais qui fait pipi quand même. Face à ce trou dans le réel, mais aussi dans la langue, Hans est obligé d’inventer ses fictions, de s’inventer. C’est ce qu’il n’y a pas chez la mère que les psychanalystes appellent le phallus. Rien à voir avec le zizi. Circulez !
Récemment, Petit Tom, 5 ans et demi, a vu naître un Petit Cousin. Comme Hans, ça le travaille. Comment naissent les enfants ? La question se pose. Avec sa mère, il va voir ce bébé dont tous disent qu’il est si joli, il est curieux. Jusqu’ici, le joli bébé, la star, c’était lui. Si son grand frère est très content que ce soit un garçon (parce que sinon, a-t-il menacé, il se ferait adopter dans une autre famille, il en a un peu marre de toutes ces filles qui font la loi…), Petit Tom est assez fier d’être le premier cousin à l’avoir vu, ce nouveau bébé.
À table, il parle assez volontiers de ses boules, qu’il sait nommer en français, en anglais, et en italien, avec un goût pour la sonorité du signifiant. Ça rebondit, c’est joyeux. Quand on lui demande à quoi elles servent, ces fameuses palle dont il semble si fier, il répond :
- Ben, à porter les graines pour faire des enfants !
La question suivante ne le déroute pas plus :
- Et tu fais comment alors ?
- Ben je les mets dans le ventre de la maman !
- Ah, tu as trouvé une maman ?
- Ben oui, là ! dit-il, se tournant vers sa mère…
- …
Celle-ci, qui trouvait quand même jusque-là que Freud poussait un peu le bouchon avec son Œdipe, est surprise de voir que son petit Tom n’en démord pas : il va faire des enfants à sa maman, avec ses petites graines dans ses boules. Elle lui dit, mais avec un sourire ému et tendre, et un peu de rouge aux joues, qu’il lui faudra trouver une autre fille qui sera la maman de ses enfants… Il la laisse dire, sans la croire : elle en a dit d’autres, de ces blagues[2] qui circulent dans la famille.
Il y a fort à parier que cette conversation deviendra un de ces bons mots d’enfants qui collent au corps et à la peau, et dont il devra se séparer. Mais en attendant, l’effet de cette parole sur les autres, frère, sœur, grand-mère etc…, lui donne une indication précieuse sur la consistance qu’il peut obtenir de sa petite fiction. Autour de la table, on rit, on souligne, on répond… ça fait causer, c’est joyeux, mais c’est sérieux, comme au foot qu’il vient de commencer !Hans est devenu le fameux metteur en scène d’opéra, faisant un bel usage des fictions. Que deviendra Tom ?
[1] https://www.cairn.info/revue-insistance-2011-2-page-41.htm
[2] P. Lacadée les appelle des fictions https://pariconversation.wixsite.com/paridelaconversation/post/savoir-y-faire-et-invention-les-mille-et-une-fictions-philippe-lacad%C3%A9e